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Le pouvoir législatif

L'analyse de la CSI des droits des travailleurs sur le plan juridique dans les 149 pays étudiés dans l’Indice des droits dans le monde 2021 offre un aperçu unique des lois et des pratiques nationales. L’élaboration des lois est un instrument efficace et puissant pour la transformation sociale et la protection des droits au travail. Le pouvoir législatif peut être utilisé à des fins de répression et de réforme. Si la balance en 2021 penche en faveur de la répression, le pouvoir législatif est essentiel pour préserver et faire avancer les droits des travailleurs.

Lois répressives

Dans un trop grand nombre de pays, les gouvernements ont adopté des législations régressives qui ont grandement affaibli les droits fondamentaux au travail. En vue du démantèlement continu des protections des travailleurs en Inde, le gouvernement de Modi a adopté trois lois clés sur le travail sans se conformer aux procédures démocratiques. Il a ainsi fondamentalement réécrit la législation du travail nationale. En Indonésie, le gouvernement a adopté, sans aucune consultation préalable des organisations syndicales nationales, une loi omnibus modifiant fondamentalement les droits des travailleurs et les règles environnementales.

Asie-Pacifique

Des gouvernements ont adopté des lois pour porter atteinte aux droits des travailleurs.

Lois répressives

Les 22 et 23 septembre 2020, en Inde, le gouvernement de Modi a adopté trois lois clés sur le travail sans se conformer aux procédures démocratiques. Il a ainsi fondamentalement réécrit la législation du travail nationale. Il s’agit du Code sur les relations professionnelles, du Code sur la sécurité sociale et du Code sur la sécurité et la santé au travail et les conditions de travail. La législation a été adoptée au Parlement sans aucun débat, alors que les partis de l’opposition boycottaient la Chambre.

Une coalition de centrales syndicales a critiqué de nombreux points des nouveaux codes, pointant plus spécifiquement trois défauts majeurs: le Code sur la sécurité sociale ne fait pas de la sécurité sociale un droit universel, laissant ainsi des millions de personnes sans protection sociale; le Code sur la sécurité et la santé au travail et les conditions de travail exclut des pans entiers de l’économie, dont l’agriculture qui emploie 50 % de la population active totale en Inde; et le Code sur les relations professionnelles protège l’industrie aux dépens des travailleurs, en violation de la Constitution, en restreignant la définition de «travailleur» et en limitant fortement le droit de grève et la capacité des travailleurs de participer à un processus de négociation collective.

Le 23 septembre, les centrales syndicales indiennes ont organisé conjointement des manifestations dans tout le pays, rassemblant des millions de personnes.

Lois répressives

Le 5 octobre 2020, en Indonésie, le gouvernement a adopté, sans aucune consultation préalable des organisations syndicales nationales, une loi omnibus modifiant fondamentalement les droits des travailleurs et les règles environnementales. La loi, qui implique la modification de plus d’un millier d’articles dans 79 lois existantes, a surtout supprimé d’importantes dispositions relatives aux congés de maladie (comme le congé payé obligatoire pour l’accouchement), a augmenté les limites imposées aux heures supplémentaires, a réduit les indemnités de départ et a globalement porté atteinte à la sécurité de l’emploi de millions d’Indonésiens. L’ampleur, la complexité et le contenu de la loi vont à l’encontre des responsabilités qui incombent à l’Indonésie en vertu du droit international des droits de l’homme. Le gouvernement a déclaré que ces fortes réductions des protections des travailleurs étaient nécessaires pour accroître l’attractivité de l’Indonésie pour les investisseurs.

Amériques

Des gouvernements ont adopté des lois pour porter atteinte aux droits des travailleurs.

Lois répressives

En Uruguay, le droit de grève est fortement menacé par le nouveau décret du pouvoir exécutif du 15 octobre 2020 qui accorde au ministère du Travail le pouvoir d’ordonner à la police d’expulser immédiatement les travailleurs en grève de tout local public, entreprise privée ou institution qu’ils occuperaient. Elle permet aussi au ministère de convoquer une réunion de conciliation obligatoire. Ces dispositions confèrent au ministère du Travail des pouvoirs excessifs pour bloquer à l’avance toute action de grève, privant ainsi les travailleurs et les syndicats de leurs moyens d’action.

Lois répressives

Le 25 juin 2020, au Honduras, un nouveau Code pénal est entré en vigueur, menaçant clairement les libertés fondamentales par ses dispositions qui restreignent gravement le droit de réunion pacifique. En vertu du nouveau code, les manifestations publiques et les rassemblements relèvent désormais du droit pénal et les peines peuvent atteindre 30 ans d’emprisonnement.

Europe

Des gouvernements ont adopté des lois pour porter atteinte aux droits des travailleurs.

Lois répressives

Le 4 février 2021, en Slovaquie le Parlement a adopté des amendements au Code du travail qui portent gravement atteinte aux syndicats du pays en modifiant les règles relatives à leur présence sur le lieu de travail et en interférant fortement avec la liberté des syndicats d’établir leurs propres statuts et règles, d’élire leurs représentants et d’organiser leurs activités.

Ces changements, qui n’ont fait l’objet d’aucune consultation préalable avec les syndicats, ont été délibérément adoptés pour affaiblir la position de la Confédération des syndicats de la République slovaque (KOZSR) en tant qu’organe le plus représentatif au sein du dialogue tripartite et pour y faire participer des organisations de travailleurs aucunement représentatives, mais favorables au ministère du Travail.

Afrique

Des gouvernements ont adopté des lois pour porter atteinte aux droits des travailleurs.

Lois répressives

En mai 2020, le gouvernement de Maurice a modifié des dispositions de la nouvelle loi sur les droits des travailleurs au bénéfice des employeurs. Les syndicats se sont battus pour préserver le plus possible la loi originale, mais ils ne sont parvenus à bloquer qu’un seul amendement.

Ces modifications sont un coup dur pour les syndicats mauriciens, notamment la Confederation of Workers in the Public and Private Sectors (CTSP), qui se sont battus pendant 16 ans pour un amendement positif de la législation qui a finalement été présenté en octobre 2019. À peine huit mois plus tard, le Premier ministre a balayé tous les progrès réalisés et a cédé aux pressions des employeurs, précisant que les amendements retourneraient aux travailleurs d’ici 2024.

Réforme législative

L'année dernière, des dispositions juridiques positives ont été adoptées en faveur des droits de la main-d’œuvre et du progrès social aux États-Unis et dans l’Union européenne.

Amériques

Dispositions juridiques en faveur des droits des travailleurs.

Réforme législative

Le 6 février 2020, aux États-Unis, la Chambre des représentants a adopté la loi sur la protection du droit syndical (PRO) (H.R. 2474), une législation qui augmenterait la protection de la liberté d’association des travailleurs en prévoyant des sanctions pour les entreprises qui adoptent des mesures de représailles contre les travailleurs qui s’organisent (jusqu’à 50 000 USD par infraction). La loi prévoit également d’indemniser les travailleurs pour les dommages subis en cas de représailles, donc davantage que les arriérés de salaires et leur réintégration préalablement prévus.

Entre autres améliorations importantes, la loi PRO accorderait à des centaines de milliers de travailleurs des droits de négociation collective et permettrait à des personnes actuellement considérées comme des travailleurs indépendants d’obtenir le statut de salariés à des fins d’organisation syndicale. Des travailleurs des plateformes qui travaillent pour des entreprises comme Lyft et Uber auraient ainsi la possibilité de s’organiser. Cela affaiblirait également les lois sur le «droit de travailler» de 27 États qui permettent actuellement aux salariés de ne pas payer de cotisations aux syndicats tout en bénéficiant des conventions collectives que ces derniers ont négociées.

L’adoption de ce projet de loi fait suite à des années de stagnation salariale pour la majorité des Américains, de mauvaises conditions de travail et d’attaques des entreprises contre les syndicats et les droits des travailleurs en général.

Europe

Dispositions juridiques en faveur des droits des travailleurs.

Réforme législative

Le 28 octobre 2020, la Commission européenne a publié sa proposition de directive relative à des salaires minimaux adéquats dans l’Union européenne. Le projet de la Commission comporte deux volets. Il vise d’abord à garantir que les travailleurs de l’UE sont protégés par un salaire minimum adéquat leur permettant de mener une vie décente où qu’ils travaillent.

De plus, la Commission entame, pour la première fois, une action législative visant à renforcer la négociation collective en UE. Dans un contexte de déclin de la couverture de la négociation collective, la directive entend l’accroître. Les États membres doivent prendre des mesures en consultation avec les partenaires sociaux. La proposition fixe également une cible minimale en ce qui concerne la couverture adéquate de la négociation collective: les États membres où la couverture de la négociation collective est inférieure à 70 % de la main-d’œuvre doivent aussi prévoir un cadre de conditions propices à la négociation collective, soit par l’adoption d’une loi après consultation des partenaires sociaux, soit par la conclusion d’un accord avec les partenaires sociaux, et doivent formuler un plan d’action pour promouvoir la négociation collective.

La loi sur la protection du droit syndical (PRO) aux États-Unis permettrait aux chauffeurs d’entreprises, telles que Lyft et Uber, d’être considérés comme des employés, qui auraient dès lors la possibilité de s'organiser.Robyn Beck AFP