Working people continue to organise in Colombia
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La démocratie en crise

Depuis huit ans, l’Indice des droits dans le monde observe les principales composantes de la démocratie sur le lieu de travail, dont le droit de constituer un syndicat et de s’y affilier, le droit de négocier collectivement et le droit de faire grève, ainsi que les libertés d’expression et de réunion, symboles d’une démocratie saine. Dans nombre de pays, la Covid-19 a servi de prétexte pour limiter la liberté d’expression.

La liberté d'expression et de réunion attaquée

On assiste au démantèlement méthodique des éléments constitutifs de la liberté et de la démocratie par les attaques continuelles portées aux droits de la main-d’œuvre et à la démocratie sur le lieu de travail dans la mesure où les gouvernements abolissent les libertés d’expression et de réunion. Au cours des huit dernières années, l’Indice des droits dans le monde a révélé une augmentation sans précédent de la proportion de pays portant atteinte à la liberté d’expression et de réunion, qui est passée de 26 % en 2014 à 43 % en 2021.

43%

Quarante-trois pour cent des pays ont limité les libertés d’expression et de réunion.

5664

Le nombre de pays qui s’opposent aux libertés d’expression et de réunion ou les limitent est passé de 56 en 2020 à 64 en 2021.

26%43%

La proportion de pays qui s’opposent à la liberté d’expression et de réunion ou la limitent a augmenté, passant de 26 % en 2014 à 43 % en 2021.

Moyen-Orient et Afrique du Nord

83%

Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, 83 % des pays ont restreint les libertés d’expression et de réunion.

Atteintes aux libertés d’expression et de réunion

Le 25 juillet 2020, les forces de sécurité ont arrêté les membres de la direction de l’Association des enseignants de Jordanie, ont perquisitionné les bureaux de l’organisation et l’ont suspendue pour deux ans. Le procureur a accusé le président de l’Association, Nasser Nawasreh, de provocation lors d’un discours qu’il a prononcé le 22 juillet où il se montrait critique à l’égard du gouvernement. Des policiers antiémeutes ont été déployés pour mettre fin aux manifestations pacifiques organisées par les membres de l’Association pour dénoncer la répression des droits syndicaux.

Le 16 août 2020, le tribunal correctionnel d’instance d’Amman a interdit toute couverture médiatique des affaires relatives à l’Association des enseignants de Jordanie. L’interdiction s’appliquait aux informations, publications et commentaires sur les procédures judiciaires. Les actions des autorités ont été à l’origine de manifestations pacifiques dans plusieurs villes de Jordanie au cours desquelles d’autres membres et partisans de l’Association ont été arrêtés.

Une disposition légale limitant la détention à 30 jours, les membres de la direction de l’Association ont été libérés sous caution le 23 août 2020. Le 26 octobre, le gouverneur d’Amman a interdit une conférence de presse de l’organisation syndicale.

Atteintes aux libertés d’expression et de réunion

En Iran, à l’approche du Premier mai 2020, les services de renseignement du Corps des gardiens de la révolution islamique ont harcelé et appelé par téléphone des militants syndicaux et les ont menacés de les arrêter s’ils organisaient des événements pour le Premier mai ou y participaient. Le gouvernement a également arrêté préventivement plusieurs syndicalistes et les a envoyés en prison, dont l’enseignant et le dirigeant syndical Esmail Abdi.

Asie-Pacifique

61%

En Asie-Pacifique, 61 % des pays ont restreint les libertés d’expression et de réunion.

Atteintes aux libertés d’expression et de réunion

Alors qu’au Myanmar, le coup d’État militaire a pris des proportions inquiétantes avec la répression violente de toute dissidence populaire, des centaines de personnes ont été arrêtées et détenues sans aucun respect d’une procédure régulière. La junte militaire a continué d’asseoir son autoritarisme avec son projet de loi sur la cybersécurité qui accorderait aux autorités des pouvoirs considérables pour bloquer des contenus, plaçant l’ensemble de la population sous surveillance et supprimant la liberté d’expression.

Le 9 février 2021, l’armée a publié un projet de loi prévoyant une fausse période de «consultation» de six jours. Toute remise en question en ligne d’une action de la junte sera punie de peines de prison et de lourdes amendes. La loi reprend, dans son cadre de protection contre la cybercriminalité, toute «déclaration écrite et verbale contre la loi en vigueur» et toute «infraction commise à l’échelle locale ou internationale», ce qui signifie que les personnes en dehors du Myanmar qui critiquent la junte sont passibles d’actions de l’armée.

Atteintes aux libertés d’expression et de réunion

Le 2 avril 2020, au Cambodge, Soy Sros, une dirigeante syndicale locale chez Superl, une société de maroquinerie, a été arrêtée pour «provocation», en application du Code pénal cambodgien, pour ses publications sur les réseaux sociaux critiquant la suspension de membres du syndicat, y compris d’une femme enceinte, pendant la crise du coronavirus. Elle a été détenue à la prison provinciale de Kompong Speu où, selon Pav Sina, le président du Mouvement syndical collectif de travailleurs, sa santé s’est gravement détériorée.

Afrique

50%

En Afrique, 50 % des pays ont restreint les libertés d’expression et de réunion.

Atteintes aux libertés d’expression et de réunion

Au Zimbabwe, le gouvernement a interdit l’organisation de manifestations contre l’aggravation de la crise économique et sociale dans le pays, prévues le 31 juillet 2020. Des militants syndicaux, des étudiants, des journalistes et des organisateurs des manifestations ont été arrêtés et accusés d’incitation à la violence et de tentative de renversement du gouvernement. Une forte présence policière et militaire a empêché toute manifestation et les rares personnes qui ont brandi des pancartes dans les rues ont été arrêtées.

Atteintes aux libertés d’expression et de réunion

Le 5 février 2020, quatre dirigeants syndicaux ont été arrêtés à Libreville, Gabon, lors de la manifestation de Dynamique unitaire, la principale organisation syndicale du pays, pour contester les mesures du plan d'austérité du gouvernement. Sous prétexte des réunions en cours concernant la réforme du Code du travail le 4 février, le ministère de l'Intérieur a interdit les manifestations. Les dirigeants syndicaux ont décidé de maintenir la manifestation prévue, mais les autorités ont envoyé les forces de police, qui ont brutalement réprimé la manifestation et ont procédé à l’arrestation des dirigeants syndicaux.

Atteintes aux libertés d’expression et de réunion

Le 30 octobre 2020, en Afrique du Sud, des travailleurs de Truda Foods se sont rassemblés pour protester contre le licenciement de collègues en raison de leurs activités sur les réseaux sociaux. Truda a en effet suspendu plusieurs travailleurs parce qu’ils avaient «aimé» des publications du secrétaire général de leur syndicat. Olwethu Samente, Vuyiswa Gontsana, Luyanda Qumza, Yolisa Alam, Zethu Sopete et Lungiswa Solundwana ont reçu une lettre annonçant leur suspension pour «action ou conduite préjudiciable à l’intérêt de l’employeur» et «conduite indécente ou inappropriée». À la suite de leur suspension, les travailleurs ont demandé à consulter la politique de Truda relative aux réseaux sociaux. C’est alors qu’ils ont été licenciés.

Europe

22%

En Europe, 22 % des pays ont restreint les libertés d’expression et de réunion.

Atteintes aux libertés d’expression et de réunion

En Turquie, le Premier mai, la police a bloqué le bureau central de la confédération syndicale DİSK à Istanbul en début de matinée et arrêté son secrétaire général, Adnan Serdaroğlu, et sa présidente, Arzu Çerkezoğlu, ainsi que 25 autres membres de la confédération. La confrontation a eu lieu alors que la police a bloqué une marche vers la place Taksim à Istanbul en invoquant le couvre-feu instauré pour lutter contre la Covid-19 comme prétexte. Les syndicalistes ont été libérés plus tard dans l’après-midi. C’était la troisième fois que les dirigeants étaient arrêtés cette année-là.

Atteintes aux libertés d’expression et de réunion

En 2020, au Bélarus, le gouvernement a interdit les réunions, les piquets de grève, les défilés et les manifestations des syndicats. La décision n⁰ 196 du Conseil des ministres du 3 avril 2020 a encore compliqué la situation en disposant que l’organisateur d’un événement de masse, avant de présenter une demande aux autorités administratives locales, doit satisfaire à une longue liste de conditions exorbitantes. Il s’agit notamment de maintenir l’ordre public pendant le rassemblement et de prévoir des services médicaux et de nettoyage, tous les frais étant à la charge de l’organisateur. La loi prévoit en outre la possibilité de supprimer un syndicat dès qu’il ne satisfait pas à une seule de ces exigences. De telles règles reviennent à interdire purement et simplement toutes les réunions publiques et toutes les grèves des syndicats.

Atteintes aux libertés d’expression et de réunion

En Belgique, au début de septembre 2020, un gardien de la paix de la commune de Molenbeek, également délégué syndical de la Centrale générale des services publics (CGSP), a été licencié pour avoir publié sur sa page Facebook des articles qui remettaient en question les politiques du gouvernement relatives à la gestion de la crise liée au coronavirus. Le 3 septembre, une action de soutien a été organisée devant la mairie pour défendre la liberté d’opinion de ce travailleur.

Amériques

20%

Sur le continent américain, 20 % des pays ont restreint les libertés d’expression et de réunion.

Atteintes aux libertés d’expression et de réunion

Le 15 mai 2020, en Colombie, Brinks a résilié le contrat du président du syndicat national, Frank Gualdron, affirmant qu’il avait publié des images d’une manifestation liée au travail sur Facebook. Frank Gualdron faisait partie des huit agents syndicaux de Brinks qui ont été licenciés depuis la déclaration de l’état d’urgence sanitaire lié de la pandémie de Covid-19 en mars 2020, dans le cadre d’une stratégie clairement antisyndicale.

Le gouvernement indien a adopté trois lois qui restreignent considérablement les droits fondamentaux des travailleurs et limitent fortement les activités des syndicats, notamment le droit de grève.AFP

Tendances sur huit ans: droit aux libertés d’expression et de réunion

Entreprises qui bafouent le droit à la liberté d’expression et de réunion