Afrique

3,71

Violations régulières des droits

Amélioration par rapport à l’année dernière

Le Burundi, la République centrafricaine, la Somalie et le Soudan du Sud étaient toujours frappés par des conflits internes, aggravant davantage la situation humanitaire et privant des millions de personnes de protections fondamentales. Dans d'autres pays africains, l'année s’est caractérisée par une augmentation des représailles contre les travailleurs/euses durant les manifestations et par les pratiques antisyndicales adoptées par les autorités.

En bref

95%

Dans 95 % des pays, le droit de grève a été violé.

95%

Dans 95 % des pays, le droit de négociation collective a été violé.

90%

Dans 90 % des pays, des travailleurs/euses sont exclus du droit de constituer un syndicat et d’y adhérer.

76%

En Afrique, 76 % des pays empêchent les travailleurs et les travailleuses d’accéder à la justice.

36%

Dans 36 % des pays, des travailleurs et des travailleuses ont été arrêtés et placés en détention.

33%

En Afrique, les travailleurs et les travailleuses ont subi des violences dans 33 % des pays.

79%

En Afrique, 79 % des pays ont révoqué l’enregistrement de syndicats.

50%

En Afrique, 50 % des pays ont restreint les libertés d’expression et de réunion.

Des travailleurs/euses ont été assassinés au Nigéria.

Violations des droits des travailleurs

Droit de grèvePoursuites pénales contre des dirigeants syndicaux pour leur participation à des grèves

95%

Dans 95 % des pays, le droit de grève a été violé.

Poursuites pénales contre des dirigeants syndicaux pour leur participation à des grèves

Le 6 juillet 2020, au Zimbabwe, le syndicat d’infirmiers Zimbabwean Nurses’ Association (ZINA) a organisé des grèves à Harare et Bulawayo pour exiger une révision salariale, le versement des indemnités de Covid-19 encore dues, ainsi que la fourniture d’équipements de protection individuelle adaptés. Préalablement au mouvement de protestation, le gouvernement avait retiré toute utilité au groupe de négociation bipartite du secteur en déclarant unilatéralement qu’il n’entamerait aucune forme de négociation collective au cours des trois prochains mois. Au lieu d’ouvrir le dialogue, le gouvernement a ordonné l’arrestation de 13 infirmiers et infirmières. Ils ont depuis tous été libérés sous caution, mais ont perdu leur emploi. Les grèves se sont poursuivies pendant 33 jours sans aucune reprise des négociations.

Poursuites pénales contre des dirigeants syndicaux pour leur participation à des grèves

En septembre 2020, en Eswatini, l’entreprise taïwanaise FTM Garments a entamé des poursuites en justice contre le syndicat Amalgamated Trade Union of Swaziland (ATUSWA). Elle a justifié ces poursuites par des allégations de perte de production pendant quatre jours et des dommages matériels à la suite d’un piquet de grève que le syndicat avait organisé. Cette action en justice, dont l’objectif était de ruiner l’organisation syndicale, est survenue une semaine à peine après que le syndicat a porté devant les tribunaux le refus de la société de reconnaître l’ATUSWA malgré une décision de la Commission de conciliation, de médiation et d’arbitrage de janvier 2020. L’ATUSWA se bat depuis longtemps pour que les travailleurs du secteur du textile en Eswatini reçoivent un salaire vital. Actuellement, ils sont rémunérés à 1 800 emalangeni par mois (108 dollars américains [USD]) et le syndicat fait campagne pour un salaire minimum vital de 3 500 emalangeni (210 USD).

Poursuites pénales contre des dirigeants syndicaux pour leur participation à des grèves

Au Gabon, les travailleurs en grève de la base navale et de la compagnie maritime Satram à Port-Gentil ont été pris à partie par la police le 1er octobre 2020. La grève, qui se poursuivait depuis le 25 septembre pour protester contre le non-paiement de 24 mois d'arriérés de salaire, s'est terminée par des violences des forces de sécurité contre les travailleurs et l'arrestation de sept employés.

Droit de grèveLicenciés pour avoir participé à une grève

95%

Dans 95 % des pays, le droit de grève a été violé.

Licenciés pour avoir participé à une grève

En janvier 2021, Volkswagen South Africa (VWSA) a licencié 14 délégués syndicaux du National Union of Metalworkers of South Africa (NUMSA) pour avoir «incité» le personnel à cesser le travail le 17 juillet 2020 alors qu’un bulletin interne de VWSA révélait que 120 travailleurs avaient été testés positifs au coronavirus et que 60 autres étaient en quarantaine dans l’attente des résultats de leur test Covid-19. Malgré la mobilisation de la South African Federation of Trade Unions (SAFTU), VWSA, située à Uitenhage, dans la province du Cap-Oriental, a refusé de réintégrer les délégués syndicaux. Une plainte a été déposée auprès de la Commission de conciliation, de médiation et d’arbitrage (CCMA).

Licenciés pour avoir participé à une grève

Au Lesotho, Bull Clothing, une usine de confection de vêtements a licencié 253 travailleurs et travailleuses, accusés d’avoir participé à une action de grève. Ils ont ensuite été réengagés avec de nouveaux contrats, des salaires inférieurs et une période d’essai de trois mois. Les travailleurs ont été licenciés en août 2020 après un rassemblement organisé pour demander à l’entreprise pourquoi la direction avait retardé le paiement de 800 maloti (46 USD) du gouvernement. L’entreprise les a accusés d’avoir pris part à une grève sauvage et a sommairement licencié 253 personnes.

Droit de négociation collective

95%

Dans 95 % des pays, le droit de négociation collective a été violé.

Droit de négociation collective

Au Kenya, la Teachers Service Commission (TSC), l’autorité nationale pour le secteur de l’éducation, s’est lancée dans une campagne antisyndicale contre l’organisation Kenya National Union of Teachers (KNUT) en discriminant ses membres et en refusant de leur appliquer la convention collective. La TSC a aussi refusé de collecter les cotisations syndicales. Ces attaques systématiques contre le KNUT ont considérablement réduit le nombre de ses membres dans le secteur de l’éducation et a réduit la capacité du syndicat à représenter ses membres. En outre, la TSC a essayé d’annuler l’accord de reconnaissance du KNUT en tant qu’organisation syndicale qui date de 1968.

Droit de négociation collective

En Namibie, neuf dirigeants syndicaux de la mine d’uranium Rössing Uranium ont été injustement licenciés en janvier 2021 pour avoir refusé les propositions du propriétaire de la mine, l’entreprise China National Nuclear Corporation (CNNC), visant à modifier la négociation collective existante. CNNC voulait changer certaines dispositions de la convention qui avaient notamment trait aux congés, à l’aide médicale, aux salaires et au licenciement. Face à la résistance du syndicat et ayant appris l’imminence d’une grève, la société s’en est prise à la direction du syndicat et a licencié neuf travailleurs en invoquant des «fautes graves», le «discrédit sur l’entreprise» et une «violation de la confidentialité».

Droit de négociation collective

Le 25 octobre 2020, Airports of Mauritius Ltd a licencié Shavindra Dinoo Sundassee parce qu’il s’opposait à la décision unilatérale de la direction de modifier les termes de la convention collective.

Droit de négociation collective

À Maurice, des représentants de travailleurs ont été sommairement licenciés par différentes entreprises lors de la renégociation de conventions collectives. Ainsi, le 18 juin 2020, Mauritius Post Ltd a licencié Luximun Badal pour avoir prétendument refusé un transfert unilatéral à la suite de différends portant sur la négociation d’une nouvelle convention collective pour les agents des services postaux, la première convention ayant expiré le 31 décembre 2017. Un accord négocié par le ministère du Travail et daté du 18 février 2016 protégeait Luximum Badal contre tout transfert tant qu’il était président du syndicat, mais cela n’a pas empêché Mauritius Post Ltd de renvoyer le dirigeant syndical. Par la suite, l’entreprise a également ignoré une décision de justice du 18 octobre 2020 lui ordonnant de rendre publiques des informations relatives à la négociation collective.

Droit de constituer un syndicat et d’y adhérerPratiques antisyndicales

90%

Dans 90 % des pays, des travailleurs/euses sont exclus du droit de constituer un syndicat et d’y adhérer.

Pratiques antisyndicales

Le 11 février 2020, en Guinée, des travailleurs du Marriott Sheraton ont voté à 96 % en faveur de la formation d’un syndicat et ont élu leurs dirigeants. Ce long processus a débuté en mars 2019 et la direction de l’hôtel a essayé par tous les moyens d’empêcher ces élections. En marque de représailles, quelques mois à peine après les élections syndicales, la direction du Marriott a commencé à licencier et à suspendre du personnel en invoquant des motifs fallacieux.

En août 2020, le secrétaire général du nouveau syndicat, la Fédération de l’hôtellerie, du tourisme, de la restauration, du catering et des branches connexes de l’Organisation nationale des syndicats libres de Guinée (FHTRC-ONSLG), Amadou Diallo, et son secrétaire général adjoint, Alhassane Diallo, ont rencontré la direction pour exprimer leur ferme opposition au licenciement d’un collègue qui avait cassé un vase. Quelques jours plus tard, la direction de l’hôtel a suspendu les deux dirigeants syndicaux sans solde et les a finalement congédiés le 28 septembre. À cette date, les deux syndicalistes attendent toujours leur réintégration.

Pratiques antisyndicales

Au début de 2020, au Zimbabwe, le Footwear and Tanners Allied Workers Union of Zimbabwe (FTAWUZ), un syndicat affilié au Zimbabwe Congress of Trade Unions (ZCTU), a présenté à la société de fabrication de chaussures Bata une liste de plus de 500 travailleurs et travailleuses qui s’étaient réunis pour former un syndicat. Il la priait également de lui verser les cotisations syndicales que la société avait déduites par l’intermédiaire du système de prélèvement à la base. Bata a catégoriquement refusé, affirmant que les membres du personnel affiliés au FTAWUZ étaient également membres d’un autre syndicat et prétextant que, pendant le confinement lié à pandémie de Covid-19, le système de prélèvement des cotisations syndicales n’avait pas fonctionné. À ce jour, plus de 200 salariés syndiqués ne peuvent toujours pas exercer leurs droits syndicaux.

Droit à la justice

76%

En Afrique, 76 % des pays empêchent les travailleurs et les travailleuses d’accéder à la justice.

Droit à la justice

Le 27 juillet 2020, le parti au pouvoir au Zimbabwe, le ZANU-PF, a convoqué une conférence de presse lors de laquelle le porte-parole, Patrick Chinamasa, a attaqué le Zimbabwe Congress of Trade Unions (ZCTU), le désignant comme « cheval de Troie de l’Alliance du Mouvement pour le changement démocratique et organisation terroriste conjointement avec la Crisis in Zimbabwe Coalition », une organisation de la société civile.


Le même jour, la police de la République du Zimbabwe a publié une déclaration indiquant qu’elle recherchait le président du ZCTU, Peter Mutasa, ainsi qu’Obert Masaraure et Robson Chere, dirigeants de l’Amalgated Rural Teachers Union (ARTUZ), suite à la grève du 31 juillet 2019. Le lendemain, la police a commencé à traquer le membre du ZCTU Godfrey Tsenengamu, Peter Mutasa, ainsi que 11 autres membres politiques et syndicaux, demandant aux citoyens de fournir des informations sur l’emplacement où se trouvaient les militants. Aucune déclaration n'a été publiée sur les raisons de cette traque.

Droit à la justice

Moudi Moussa, journaliste et syndicaliste, et Halidou Mounkaila, dirigeant du syndicat d'enseignants SYNACEB, ont participé, le 15 mars 2020, à une manifestation à Niamey, Niger, pour exiger une enquête sur les allégations de détournement de fonds par le ministère de la Défense. La manifestation a été violemment réprimée par les forces de sécurité. Une douzaine de personnes, dont Moudi Moussa et Halidou Mounkaila, ont été arrêtées et accusées «d'organisation d'un rassemblement non autorisé, de complicité de dégradation de biens publics, d'incendie criminel et d'homicide avec circonstances atténuantes». Alors que les manifestants détenus ont été libérés le 30 avril, Moudi Moussa et Halidou Mounkaila sont restés derrière les barreaux pendant cinq mois et n’ont été libérés que le 29 septembre 2020 suite à une mobilisation soutenue à l’échelle internationale.

Droit aux libertés civiles

36%

Dans 36 % des pays, des travailleurs et des travailleuses ont été arrêtés et placés en détention.

Droit aux libertés civiles

En 2020 et 2021, au Soudan, de nombreux syndicalistes ont été arrêtés et détenus arbitrairement: Osama Dawina Hamad Al-Nil, trésorier de la Federation of Trade Unions in North Kordofan State; Eng. Abdel-Baqi Nour Al-Daem Muhammad, membre du bureau exécutif de la Sudan Workers’ Trade Union Federation (SWTUF); Hussam Eddin Suleiman, membre du Syndicate for the Ministry of Education; Muhammad Al-Makki Saleh, secrétaire général de l’Education Syndicate in North Darfur; Osama Taha Al-Bashir, trésorier adjoint du Gadaref State Workers’ Union; Al-Amin Ahmed Mohamed Tom, secrétaire pour les jeunes du Gedaref State Workers’ Union; et Alamuddin Yahya Farah, dirigeant du Syndicate of the Ministry of Education.

Droit aux libertés civiles

Le 24 janvier 2021, au Soudan, les forces de sécurité ont arrêté Halat Algamer Elnour, la dirigeante du Syndicate of National Audit Chamber of Sudan, à Khartoum et l’ont relâchée quatre jours plus tard. Elle a été accusée de refuser de céder des biens syndicaux au gouvernement à la suite de la dissolution illégale des syndicats décidée par le Conseil de souveraineté transitoire du Soudan le 14 décembre 2019.

Droit aux libertés civiles

Le 16 août 2020, les autorités soudanaises ont émis un mandat d’arrêt contre Al Sadig Al Rezegy, le président du Sudanese Journalists’ Union (SJU) lorsqu’il a refusé de remettre les biens et les avoirs du syndicat, dissous par les autorités plus tôt dans l’année. Al Sadif Al Rezegy, qui est également le président de la Fédération africaine des journalistes (FAJ), est notamment accusé d’avoir continué à diriger le syndicat qui a poursuivi ses activités après son interdiction. Il aurait aussi assisté à des réunions de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), de la FAJ et d’autres instances internationales en représentant un syndicat interdit.

Agressions violentes contre les travailleurs et les travailleuses

33%

En Afrique, les travailleurs et les travailleuses ont subi des violences dans 33 % des pays.

Agressions violentes contre les travailleurs et les travailleuses

Le 15 mars 2020, la police a brutalement réprimé une manifestation organisée par plusieurs syndicats et la société civile à Niamey, Niger, pour exiger une enquête sur les allégations de détournement de fonds par le ministère de la Défense. Les forces de sécurité ont tiré des gaz lacrymogènes sur les toits des magasins du marché de Tagabati, déclenchant un incendie. Moudi Moussa, journaliste et syndicaliste, et Halidou Mounkaila, dirigeant d'un syndicat d'enseignants (SYNACEB), ont été arrêtés et arbitrairement détenus pendant sept mois.

Droit de mener des activités syndicales

79%

En Afrique, 79 % des pays ont révoqué l’enregistrement de syndicats.

Droit de mener des activités syndicales

Le 5 octobre 2020, au Libéria, le ministère du Travail a suspendu l’enregistrement du syndicat Dockworkers’ Union of Liberia (DOWUL) auprès de l’Autorité portuaire nationale dans l’attente de l’issue d’une enquête sur un cas présumé d’incitation à la violence chez APM Terminals au port de Monrovia. Selon le ministre du Travail, le ministère a reçu des appels de la direction d’APM Terminals les informant que les dirigeants du syndicat organisaient une grève perlée et demandant au ministère d’intervenir. Les réunions entre les dirigeants de DOWUL, la direction d’APM Terminals et le ministère du Travail ont échoué et, dans les jours qui ont suivi, le DOWUL a organisé une grève dans le port franc. Le ministère du Travail a riposté en suspendant l’enregistrement du syndicat.

Atteintes aux libertés d’expression et de réunion

50%

En Afrique, 50 % des pays ont restreint les libertés d’expression et de réunion.

Atteintes aux libertés d’expression et de réunion

Au Zimbabwe, le gouvernement a interdit l’organisation de manifestations contre l’aggravation de la crise économique et sociale dans le pays, prévues le 31 juillet 2020. Des militants syndicaux, des étudiants, des journalistes et des organisateurs des manifestations ont été arrêtés et accusés d’incitation à la violence et de tentative de renversement du gouvernement. Une forte présence policière et militaire a empêché toute manifestation et les rares personnes qui ont brandi des pancartes dans les rues ont été arrêtées.

Atteintes aux libertés d’expression et de réunion

Le 5 février 2020, quatre dirigeants syndicaux ont été arrêtés à Libreville, Gabon, lors de la manifestation de Dynamique unitaire, la principale organisation syndicale du pays, pour contester les mesures du plan d'austérité du gouvernement. Sous prétexte des réunions en cours concernant la réforme du Code du travail le 4 février, le ministère de l'Intérieur a interdit les manifestations. Les dirigeants syndicaux ont décidé de maintenir la manifestation prévue, mais les autorités ont envoyé les forces de police, qui ont brutalement réprimé la manifestation et ont procédé à l’arrestation des dirigeants syndicaux.

Atteintes aux libertés d’expression et de réunion

Le 30 octobre 2020, en Afrique du Sud, des travailleurs de Truda Foods se sont rassemblés pour protester contre le licenciement de collègues en raison de leurs activités sur les réseaux sociaux. Truda a en effet suspendu plusieurs travailleurs parce qu’ils avaient «aimé» des publications du secrétaire général de leur syndicat. Olwethu Samente, Vuyiswa Gontsana, Luyanda Qumza, Yolisa Alam, Zethu Sopete et Lungiswa Solundwana ont reçu une lettre annonçant leur suspension pour «action ou conduite préjudiciable à l’intérêt de l’employeur» et «conduite indécente ou inappropriée». À la suite de leur suspension, les travailleurs ont demandé à consulter la politique de Truda relative aux réseaux sociaux. C’est alors qu’ils ont été licenciés.

Au Soudan, une alliance menée par les syndicats a chassé du pouvoir le président Omar al-Bashir, mais les droits fondamentaux des travailleurs continuent d’être bafoués.Ebrahim Hamid / AFP

Tendances sur huit ans: les violations des droits des travailleurs

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